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FRISSONS
Tirée du Néant

Tirée du Néant

Publié le 2 déc. 2020 Mis à jour le 6 mars 2024 Drame
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Tirée du Néant

Il y a un phénomène intéressant dans l’écriture - l’écriture d’un roman précisément - c’est la force des personnages de second plan.
Comme si l’auteur, délivré des obligations de rendre ses héros incomparables, laissait la meilleure part de lui-même dans le tracé d’un second rôle. Aucun/e critique, aucun/e lecteur/trice n’atteindra son ego en fustigeant ce qui de prime abord ne lui a pas demandé d’effort particulier.

Et pourtant !
Au fur et à mesure que j’écris l’histoire de ce couple qui se veut incongru malgré moi et dont je ne me satisfais pas encore, une silhouette s’esquisse en arrière-plan dans mon esprit : une jeune fille qui sans être insensible, sait se montrer parfois personnelle, qui sans être sotte, peut se révéler superficielle.
Je ne lui ai pas encore trouvé d’apparence -  il est vrai que je suis réputé pour ne jamais avancer de descriptions physiques.
Que les lecteur/trice-s fassent donc leur part de travail !

Or me voilà donc avec cette jeune fille couchée à demi sur une page aussi blanche que ses pensées. Est-ce signe de pureté ? D’esprit absent ?

Est-on toujours ce que l’on pense ? Ce que l’on fait ?

Dessin crayons pastel retouché sur ordinateur par Chantal Perrin Verdier

J’ai toujours cru que notre éducation et les réflexes que nous apprenions à avoir par rapport à elle, mettait en scène une nature assez éloignée de ce que nous sommes au fond. A tel point que nous-mêmes ne savons plus qui nous sommes vraiment et aucune circonstance, aucune interaction avec nos semblables, ne nous autorisent à le découvrir profondément.
Je suis même presque certain que nous ne nous révélons jamais à nous-même alors encore moins aux autres et que ceux qui vous disent vous connaître sont soit des menteur/euse-s soit des idiot/e-s.
Ah oui, les fameux pluriels et obligation de signaler le féminin : dois-je plutôt écrire « menteuse/teur-s » pour les sublimer ?
Mille pardons.

Que dirait mon personnage sur ces contraintes ?
Sans doute que peu importe l’ordre du moment qu’il n’est pas suivi. Elle a je crois une tournure d’esprit que peu apprécieraient.
J’avoue que c’est mon point faible chez elle, ce regard lucide qui ne partage rien de ses conclusions.

Parfois je la peins en esprit d’un pinceau aussi sûr que ma plume hésite sur le papier. Elle respire, se meut avec un tel naturel que je lui envie de vivre aussi pleinement.
Car j’en suis incapable.
Je ne peux vivre qu’à travers mes mots, je ne ressens la réalité que sous conditions hypothétiques.
Par contre, Elle, catalyse chaque jour mon inspiration, elle n’est pas une muse, elle est un postulat qui me permet d’avancer dans un raisonnement alambiqué qui n’aboutira peut-être à rien comme la plupart des recherches.

Jusqu’à gagner mes nuits.
Car elle m’obsède.
Avant de m’endormir je la vois se préciser sur fond de scénario encore fragile, je m’approche de ce à quoi elle ressemblera et elle en vient à vivre d’elle-même sans que j’ai à intervenir.
Le talent d’un écrivain est soi-disant d’exprimer clairement avec des mots ce que tout un chacun éprouve ou pense de façon abstraite. Hé bien je dois être un piètre écrivain parce que je n’exprime rien clairement pour quiconque et surtout pas pour moi-même.
Il n’y a que pour ma protagoniste de seconde zone que je me montre parfois précis - voire juste.
Pourtant aucune phrase ne me paraît jamais assez la cerner.
Elle est au-delà du Elle et du La
Elle n’est ni sujet ni objet.

Désormais j’attends le moindre souffle, attentif au silence et je frémis comme bruisse l’étoffe sur le corps d’une femme, de cette femme qui se glisse près de moi, chuchote quelques grivoiseries, s’en amuse et m’en réjouis.
Mon actrice, ma presque héroïne.

Lorsque je dors, je la perçois dans les vapeurs du sommeil, elle s’insinue, irrite le dessous de mes paupières.
Invoquée par la seule agilité de mon esprit, elle n’a plus besoin de ma main pour la transcrire, elle vibre autour de moi et c’est le soir qu’elle est la plus tenace.
Elle se calque désormais sur la nuit,
d’abord floue
pour peu à peu se détacher  en silhouette déterminée.
Dans les premiers temps
arrêtée sur le seuil                                      elle avance avec chaque fois un peu plus d’assurance
Sur cette confiance elle se dirige dorénavant vers moi
puis s’arrête lorsque j’ouvre les yeux
Quelques nuits plus tard,
même les yeux ouverts dans l’obscurité,
je la vois user d’un pas audacieux qui l’approche de mon lit,
un peu plus
Jusqu’à cet instant
une semaine après ?                                 où elle ose se pencher
Au moment - je ne compte plus le temps -
où je crois qu’elle va me toucher,          je suis réveillé par son immobilité.

Lorsque cette nuit-là la porte de ma chambre s’ouvre, je distingue nettement l’ombre sur le seuil ;
elle avance son visage sans regard tourné vers moi, se déplaçant avec lenteur comme si l’effort lui était grand.
Elle frôle le secrétaire, me masque progressivement la petite bibliothèque et se retrouve
debout au pied de mon lit.
Elle patiente.
Puis se décide à contourner le lit
d'un pas de plus,
plus près de moi
jusqu’à toucher ma main                      imprudemment abandonnée sur le drap.

Comme d’autres fois elle se penche vers moi, mais cette fois un peu trop.

Et mon hurlement silencieux la fait trembler d’un rire tout aussi muet.

 

 

Photo de Couverture : Martino Pietropoli sur Unsplash
Illustration dans le texte : Chantal Perrin Verdier

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