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Le pouvoir de l'esprit

Le pouvoir de l'esprit

Published May 9, 2021 Updated May 10, 2021 Offbeat
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Le pouvoir de l'esprit

Voici une histoire de pure fiction, que j'espère, vous allez adorer. 

Livre vers l'imaginaire

Image de Mysticsartdesign sur Pixabay :

Le pouvoir de l'esprit

Jack entra dans le commissariat, d’humeur bougon. Rien d’inhabituel. Pas un regard. Pas un bonjour à ces collègues de travail. Il ignora chaque geste amical à son encontre. Il marcha sans discontinuer, comme s'il était seul. Une femme, cependant, se permit de rompre sa solitude.

  • Hey Jack, fit bruyamment Hélène. JACK... !

Elle courut à travers les bureaux pour le rejoindre.

  • Hum ? Qu’est-ce que tu me veux ?

Jack continua de marcher nonchalamment, en direction de la machine à café.

  • Heu, … bonjour. Je suis ta nouvelle partenaire. On vient tout juste de m’affecter aux affaires classées ... Z. Je crois.
  • Ah, je vois. Encore une nouvelle. Ça ne s’arrêtera pas ces temps-ci, fit-il en se servant une tasse.
  • Merci pour ce … charmant accueil. Ravi que tu sois si … content … de me rencontrer.
  • C'est un plaisir non partager, dit-il sans même lui adresser un regard.
  • Heu, je te signale que je suis à côté de toi, là, mec.
  • Mec ? … Mec ? C’est encore l’autre naze qui te fait dire ça ?
  • L’autre quoi ? Qui fait quoi ?
  • Oui, je vois. Forcément. Encore une qui croit qu’elle vit dans un monde où tout lui paraît réel. Ça me saoule. Bon, tu sais quoi, lâche-moi. J’ai vraiment besoin de tranquillité.
  • Pardon ? Tu as besoin de … de quoi ? Mais, t’es qui toi en fait ? Et tu te prends pour qui ? p’tain, et dire que c’est le patron qui m’affecte à un guignol comme ça. J’ai le don pour les …
  • … attirer…. Ce n’est pas possible, firent-ils à l’unisson.
  • Et tu te permets …
  • … de finir mes phrases, quel toupet, terminèrent-ils ensemble.
  • Je sais, ça agace, continua Jack. Et… je le comprends.

Jack ferma les yeux un instant, puis continua sur sa lancée.

  • Hum, je vois. Bientôt, sur un ras-le-bol, tu demanderas au patron de changer de partenaire. Il refusera. Il sera catégorique. Il rétorquera qu'il s'agit de ta dernière chance. Que si tu passes à côté, c’en est fini de ta carrière ! Que plus jamais tu ne pourras espérer te pointer dans n’importe quel commissariat. Et blablabla, et tout le tralala qui te forceront à bosser avec moi.

Le ton de Jack était toujours monocorde. Aucun sentiment dans ses paroles. Aucune attention dans ses gestes. Pourquoi était-il comme ça ? De quel droit se comportait-il de la sorte ?

  • Mais, tu sais que, des tarés dans ton genre, j’en ai arrêté des tonnes ? Je ne sais pas si tu es atteint d’un égo sans précédent ou si tu es juste un gros mytho.
  • Veux-tu vérifier que je ne fabule pas ? Le chef arrive dans trente secondes. Tapante. Il viendra tout d’abord voir si tout se passe bien avec ton nouvel équipier. Puis, il te mettra une petite tape dans le dos pour te faire comprendre qu’il faut se mettre au taf. Il en profitera pour avoir les yeux un peu baladeurs sur ton impressionnant décolleté. Essai à ce moment-là de lui glisser que je ne suis pas le partenaire qu’il te faut.

Hélène était comme hébétée. C’était quoi cette blague ? Elle venait tout juste de changer d’affectation, de ville, et donc d’équipe. Elle avait eu beaucoup de mal à quitter son ancienne vie. De s’éloigner de ses amis. Une nouvelle fois obligée de déménager. Mais, ce coup-ci, c’était à plus de deux cents bornes. Jamais elle n'aurait pu imaginer que son insertion se passe si mal. Mais Jack avait mis le doigt sur un point tout à fait exact : ici, c’était son ultime chance. 

Sa dernière mission fut un véritable désastre. Elle avait ruiné son existence, mais aussi pris la vie de son ancien partenaire, John. Une planque qui avait mal fini. Elle était sortie de la voiture, laissant seul son coéquipier quelques minutes, pour une histoire de sandwich. John eut tellement faim, qu’il la pria de rapidement prendre un casse-dalle. Qui aurait cru que les dealers de drogues auraient reconnu Hélène en sortant de la caisse. Il ne leur fallut pas longtemps pour truffer la bagnole de plomb et la repeindre du sang de son collègue.

Perdu dans ces pensées, un claquement de doigts de Jack la ramena dans le vif du sujet. Il lui montra l’entrée du commissariat. Frédas TER venait de passer la porte de l’accueil. Ses yeux croisant ceux d’Hélène, il se dirigea vers eux.

  • Et c’est parti. Faut-il que je sorte les violons ? (Fit Jack)
  • Mais arrête tes conneries !
  • Hélène ? Alors, comment ça se passe avec Jack ? Pas trop dur cette première journée de travail ?

Surprise, elle ne sut quoi dire :

  • Heu, non, …non, ça va ! Enfin …
  • Eh bien, tout va pour le mieux dans ce cas, fit-il en lui mettant une main dans le dos. Votre première mission commence demain, juste le temps de faire un briefing tout à l'heure. En attendant, faites connaissance.
  • Alors… fit Jack en chuchotant, tu ne lui demandes pas ?
  • J’allais y venir, lui répondit-elle sur le même ton. Monsieur ? Puis je m’entretenir un moment avec vous s’il vous plaît ?
  • Ah là, ça vaut le coup d’œil. Je vais un peu me marrer, fit jack en la regardant de travers.
  • Oui ? Hélène ? Un problème ?
  • Je ne pense pas que je sois affectée au bon service, Monsieur. Il me semble que les affaires classées...
  • … Z. Les affaires classées Z, Hélène. Prenez-les au sérieux. Elles seront votre dernière chance, fit Fredas sur un ton sec et ferme. Votre carrière dépend du succès de vos prochaines missions. Il sera inutile de penser remettre cet uniforme pour le restant de votre vie en cas d’échec cuisant, même s’il vous sied à merveille.

Hélène sentit son regard la déshabiller. Elle se sentit à moitié nue devant cet homme, qui la scannait des pieds à la tête. En plus du malaise de la situation, elle s’aperçut que Jack avait vu juste. Avait-il regardé son dossier avant qu’elle n’arrive ? C’est bien possible. Tous les agents le font. Force de l’habitude. De plus, il connaît bien le caractère et les agissements du commissaire. Tout ceci avait été orchestré pour la déstabiliser. Il voulait se débarrasser d’elle. Mais pourquoi ? Ce n’était que le premier jour, mais elle le méprisait déjà.

  • Je sais, tu me détestes, fit Jack. Et … non, je ne cherche pas à t’évincer. Un autre s’en chargera. Et bien mieux que je ne saurai le faire. Quelque part, si tout cela ne tenait qu’à moi, tu resterais un peu plus longtemps dans cette histoire. J’en ai marre des changements. De ces quelques moments trop fuguassent. Mais, je n’y peux rien. C’est ainsi. Tu seras bientôt remplacée. Fais-moi confiance.

Hélène le regarda, des yeux chargés pleins de haine. Si elle pouvait se servir de son arme, elle poserait le canon sur sa tempe. Comment un tel homme pouvait exister ? Détestable. Un fumiste. Misogyne. Insociable…

  • Oui, oui, je sais. J’ai une foule de compliments à mon effigie, fit Jack.
  • Quoi ? Mais, qu’est-ce que tu racontes ? Tu entends des voix ? Tu es Jack d’ARC ? Je n’ai rien dit mon pote !
  • Alors, primo, je ne suis pas ton … pote. Deusio, je ne parlai pas de toi. De ton côté, tu penses juste que je suis étrange. Tu voudrais me tuer, car je t’énerve. Je mérite, à ton goût très discutable, d'avoir un trou dans le crâne de la taille d’un pruneau. Avec un sourire aussi large que celui du Joker, tu serais capable de sortir « te voilà enfin avec du plomb dans la cervelle », en rajoutant un petit mot doux : « Connard ». Non, ce n’est pas toi qui me qualifies d’infréquentable. D’homme qui ne respecte pas le sexe opposé. Qui ne souhaite pas se mélanger aux autres.
  • Mais…, mais…, de qui tu parles bon sang ? Nous sommes que tous les deux, là…, actuellement. Depuis combien de temps tu n’as pas consulté ? Il serait préférable que t’y retournes. Et rapidement. Oh, mais franchement ….
  • … y a pas moyen que je fasse équipe avec lui, reprit-il.
  • Mais tu sais que …
  • … c’est vraiment casse-pied. Oui, j’en ai conscience, termina-t-il.
  • C’est facile de deviner ce que l’on pense de toi et finir leur phrase quand tu les mets hors d’eux. Je ne sais pas à quel petit jeu tu joues, mais tu vas finir par te brûler les ailes mon gaillard.
  • Je ne joue pas. Je n’ai pas le temps de m’amuser. Je suis à mi-parcours de tout ce merdier. Il me reste encore pas mal de choses à découvrir avant la fin. Mais de toi, je connais déjà tout. Et c’est normal, car tu ne restes pas. Je ne tiens pas à m’attacher à toi. Surtout après ce qu’il va t’arriver. Ta remplaçante sera certes moins agréable à reluquer. Elle sera moins caractérielle aussi. Les femmes à tempérament me plaisent a priori. Mais, tu n’es pas celle qu’il a choisie. J’en suis bien plus navré que tu ne le penses. Entre nous, ton physique de déesse en prime, ça aurait pu matcher. Bientôt, il ne parlera plus de toi. Il me semble qu’il a prévu une photo, là, dans le coin droit de mon bureau. Comme un souvenir. Un rappel. Pour me donner un côté attachant.
  • Toi ? Attachant ? Ahh, laisse-moi rire. Mais qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? On t’a sorti trop tôt de ta cage ? Tu veux que je cherche ta chemise blanche à longue...très longue manche ? Un homme comme toi n’est attachant qu’à lui-même.

Jack se mit à rire à gorge déployer. Puis, il s’arrêta net. Sans prévenir. Son regard se dirigea vers le plafond. Que cherchait-il ?

  • Toi, mon cher !

Hélène mit sa main sur le front de Jack. Elle la retira de sitôt, simulant une brûlure.

  • Youhou ! Mais en fait, il faut vite que tu te couches. T’es en surchauffe. La connerie, ça épuise. Surtout les quelques neurones qu’il te reste.

Ses yeux se tournèrent vers elle pour la première fois. Elle fut surprise qu’il la regarde enfin.

  • Et là, tu vas voir qu’il va enfin te décrire. Parce que tout se passe à travers mes yeux. Le fil de l’histoire est selon ma vision des choses.
  • .Quoi ?
  • Je vais te donner un exemple. Comment te sens-tu ? Je veux dire, jusqu’à présent, nous n’avons aucun détail sur ton physique. Juste le fait que tu sois mignonne. Un corps de rêve. Et ? Nous n’en savons pas plus. Quelle couleur sont tes cheveux ? Ta peau ? Es-tu grande ? Mince ? En talon ?
  • Mais, qu’est-ce que tu racontes ? Bien sûr que je sais comment je suis. T’es vraiment un malade, toi.
  • Alors, ok, je t’écoute. Donne tous les détails.
  • Et bien, … je suis… une femme. Plutôt jolie, à en croire tous les regards qui se posent si souvent sur moi. Je suis un agent de police expérimentée. J’ai connu des déboires, comme tout le monde. Je n’aime pas me laisser faire, la vie m’en a trop fait baver. Voilà, tu vois, je sais qui je suis, hein…
  • Non.
  • Pardon ?
  • Non. Tu n’as fait qu’énoncer tout ce qui a déjà été dit. Mais ne t’inquiète pas, dans quelques lignes, tu seras décrite.

Hélène fut désappointée. Ne pas savoir à quoi elle ressemblait. Quelle idée farfelue ! Elle, une si belle et jeune demoiselle. Brune. Cheveux mi-longs. Des mèches aux reflets blonds sur le front. De corpulence fine, mais musclée. La salle de sport était son deuxième chez soi. Ses yeux en forme d’amande, lâchait un vert turquoise. Ses cils très épais les m’étaient en valeur. Ses joues un peu rebondies, d’un rose très pâle, lui donnaient un teint très frais. Son petit nez ne dépareillait pas sur ce visage si ravissant. Une bouche en forme de cœur, aux lèvres pulpeuses, mais sans trop l’être. Un rouge vif les faisait ressortir du lot. Un menton bien arrondi. Une peau douce et brillante. La femme parfaite. La femme que l’on rêve d’embrasser.

  • Et bien, dit donc, il s’est lâché. Tu es tombée au moment où il avait un challenge sur les descriptions. Il t’a dépeint comme LA femme. Étonnant qu’il ne te garde pas. Pourquoi faut-il que je me tape la moche ? Une simple d’esprit. Une gourde, je te jure. Je suis certain qu’il me punit. C’est forcément ça.
  • Mais, tu parles de qui là ? Et qui est cette autre femme que tu insultes de la sorte ? T’es vraiment un cas, toi.
  • Juste pour te prouver que je ne dis pas de connerie. Une femme blonde. Grande. Élancée. Talon haut. Tailleur rouge. Jupe au-dessus des genoux. Bas résille. Un parfum de vanille. Yeux bleus.
  • Dit comme ça, je ne vois pas en quoi elle serait moche.
  • Je termine. Elle aura le menton très allongé. Les oreilles pointues. Le nez crochu. Un grain de beauté sur la joue gauche. Un poil épais et long en sortira. Un cou de girafe pour tenir le tout. Une voix criarde et nasillarde. Une peau disgracieuse. Une marche de débauchée. Une clope collée à la main. Son parfum couvrant à peine les odeurs de tabac. Une manie de toujours vouloir pincer son entourage.

Jack fit une courte pause, buvant une gorgée de café.

  • Tu vois, toi, là-haut, tu n’es pas le seul à faire des descriptions à rallonge. J’en suis tout autant capable.

Hélène le regarda comme si c’était un échappé de l’asile. Elle ne sut que dire. Elle s’éloigna de lui, se rapprochant du bureau du chef. Il fallait vraiment qu’elle fasse équipe avec une autre personne. Lui, Jack, était trop bizarre. Si c’était un jeu, une mise en scène qu’il répétait pour leur future mission, cela commençait à devenir trop long. Comment un gars comme ça pouvait bosser pour la criminelle ? Et les affaires classées Z, c’était quoi ? Jamais entendu.

  • Alors, pour ta gouverne, je ne travaille pas ici. Je suis un indépendant. J’aide cette division sur des affaires non répertoriées. D’où le nom, affaires classées Z. Pour nous faire gagner des pages d’écriture, je suis LE héros. Celui qui ne meurt qu’à la fin. Celui à qui on attribue les pires malheurs pour qu’il puisse rebondir. Prendre son envol. Devenir meilleur. Voire LE meilleur. Et toi, tu fais partie de la liste. Celle de ceux qui vont me bonifier. Nous en sommes encore au moment où les larmes doivent être versées, pour me rendre vulnérable. Plus populaire. Pour faire ressurgir tous ces flots de sentiment qui donne envie de continuer. Dans trois jours, tu n’existeras plus. Ou, très brièvement. Juste le temps de souffler un souvenir. Une douleur qui nous rappelle d’où l’on vient. Je sais que cette idée de mourir n’est pas le top pour toi, mais voilà ce qui t’attend.
  • Pardon ? Mourir ? Mais, c’est quoi ce charlot ? Il veut que je crève maintenant, fit-elle en criant. Mais tu es vraiment un malade...
  • … fit-elle en s’agitant dans tous les sens.
  • Quoi ? …
  • Je connais chaque commentaire à venir. Chaque mouvement. Chaque recoin de mémoire perdue. Chaque décor. Chaque bruit. Chaque détail de ce qui se déroule actuellement, mais aussi de ce qui va se produire prochainement. Le seul point que je ne connais pas, c’est la fin. Il ne l’a pas encore décidé.

Hélène regarda par une des fenêtres, en levant la tête.

  • Tu … tu parles à Dieu, c’est ça ? Notre mission sera d’infiltrer une secte ? Et toi, tu es tellement glissé dans ton personnage que plus rien n'est normal autour de toi ? Si c’est le cas, dis-le-moi tout de suite, parce que là, tu fais peur mec.
  • Mec ! Pourquoi faut-il qu’il te fasse dire ça ? Ça ne te convient pas. Ce n’est pas toi. Pas le toi que je vois en toi. La vraie. Celle qui devrait finir l’aventure avec moi. Et non cette Joséphine. Quand je pense à la scène du baisé, j’en vomis d’avance. Son nez crasseux se plantant dans mes joues, tel un clou qui tente de tenir le cadre de ta vie.

Jack fit une courte pause. Il regarda de nouveau le plafond. Un air pensif.

  • Mais, attends, attends, attends. Et si tout cela était juste pour me tester. Pour me donner le choix des lignes à venir. Et si c’était moi qui écrivais mon histoire. Et toi, Hélène, tu pourrais m’aider. Même mieux, tu vivrais.
  • Allo ? La Lune ici la Terre ? Vous comprendre notre langue ? Vous naître sur Mars ?
  • Ouais ...
  • Tu viens de Mars ? Eh bien voilà qui explique tout... chef … CHEF ? Y a une urgence par ici !
  • Ouais, ouais, ouais...
  • Et là, c’est la phase où il bug. J’ai cassé le jouet du patron ?
  • … C’est toi que je choisis, fit-il en la pointant du doigt.
  • Heu, écoute, à première vue comme ça, je peux te le dire, je ne suis pas un Pokémon. Je te l’assure. Je ne suis pas du type plante, même si j’en suis une belle, aux dires de chacun.
  • … Voilà pourquoi ce sera toi, et non l’autre écervelée.
  • Heyyy, mais arrête avec cette pauvre fille, elle ne t’a rien fait.
  • Tu ne devrais pas la protéger ainsi, c’est à cause d’elle que tu mourras dans trois jours.
  • Mais c’est quoi cette obsession pour que je meure ? On se connaît à peine et tu veux déjà ma mort ! T’es vraiment chelou.
  • Dis-toi bien que je ne souhaite la mort de personne. Ni même du gars à ta droite qui fait sa déposition au bureau de George. Demain, à cause de son témoignage, il sera poignardé vingt-deux fois. La jugulaire tranchée. Et comme si cela ne suffisait pas, ils mettront ces attributs masculins dans un sachet. Bien en évidence. Le cas typique où ces malfrats se servent d’un pauvre homme comme exemple. Il est clair qu’après ça, nous n’aurons plus de témoin. Et les médias, comme d’habitude, seront informé à peine quelques heures après son meurtre. Classique. Mais c’est comme ça.
  • Comment peux-tu prédire la mort de quiconque ? Et si sa vie est vraiment en danger, pourquoi tu n’avertis pas le chef ? Si tu as des présomptions, il faut qu’ils le mettent dans le programme de protection des témoins.
  • Il y est. Michel sera le premier à tomber au sol. Méchamment assommé. Il sera hospitalisé durant une dizaine de jours. Il conservera une belle cicatrice dans le cou, mais aucune séquelle. Seulement le préjudice moral. Son partenaire, Mika, ce sera plus dramatique. Il ne marchera plus jamais. Des taches de sang sous la peau qui ne partiront pas. La dure vie d’un flic en somme.  
  • Comment peux-tu énumérer ça sans avoir la moindre parcelle de sentiment ? Et comment peux-tu croire que ta vision sera la bonne ? Et si c’est le cas, pourquoi ne fais-tu rien pour les sauver ?
  • Parce que leur destin est écrit. On n’efface pas comme ça les lignes toutes tracées de leur existence.
  • Alors pourquoi tu cherches à le faire pour moi ? Tu as prédit ma mort, mais tu comptes me sauver. Alors ? Pourquoi ?
  • Parce que tu me plais. Et surtout parce que l’autre … me déplaît. Par contre, je n’ai pas souvenir d’avoir lu que tu étais si bavarde. Mais ce n’est pas grave. Ça ne change rien au fait que tu me plais. Je n’en dirais pas plus, je sens sinon que l’autre va nous faire toute une romance. Et pour tout te dire, je déteste ça.

Hélène ne savait pas si elle devait être admirative devant Jack. Il semblait si sûr de lui. Que la suite des évènements allait vraiment se produire selon ces dires ! Si c’était le cas, c’était inquiétant. La mort d’un homme. Une vraie boucherie. Effrayant. Et la sienne. D’ailleurs, comment allait-elle mourir ?

  • Tuée par balle.
  • Pardon ? (Fit Hélène.) Qui ? De quoi tu parles ? À qui ?
  • Tu vas recevoir une balle perdue. Elle rentrera dans la base du menton, pour ressortir sur l’arrière du crâne. Une partie du cerveau explosera en miette. La balle, en vrillant sur elle-même, fait cet effet sur toutes les parties molles. La brûlure au menton cautérisera la plaie, mais pas à l’arrière de la tête. Le sang ne s’arrêtera de couler qu’à l’arrivée des ambulances. Mais tu seras morte avant de rejoindre l'hôpital le plus proche. Ce jour-là, je suis censé pleurer. Je crois. On verra si j’y parviens.

Hélène, bouche bée, ne sut quoi dire. Qui était Jack ? Un fou ? Un génie ? Un oracle ? Pourquoi travaillait-il ici ? Ces dons de prévenir l’avenir étaient peut-être requis. Mais, est-ce que tout ceci était bien vrai ? Non, ce n’était pas possible. Et puis, elle n’avait pas l’intention de mourir. Pas dans trois jours. Elle n’avait encore rien vécu de ces désirs. De ces rêves. Ses moments de joie se comptaient sur les doigts d’une main. Ce n’était pas ça, la vie. On ne peut pas vivre seulement d’injustice. De souffrance. De malheur. Le juste équilibre, voilà ce qu’elle voulait. Ce qu’elle réclamait. Son vœu le plus cher ? Enfin fonder son petit chez soi. Avoir une famille aimante, la rendant heureuse pour le restant de ces jours. Une vie. Tout simplement.

  • Tu l’auras. Je t’en fais la promesse.
  • J’aurais quoi ? (Fit-elle surprise)
  • Tes marmots. Ton mari fidèle et tendre avec toi. Ton foyer douillet. Tes chats. Dix-huit me paraît énorme, mais...
  • Comment peux-tu savoir que …
  • Ton amie. Sylvie. Avant de quitter ton pays natal, tu allais la voir tous les jours. Elle, son homme si charmant et leurs dix-huit chats. Depuis ce jour, tu te languis de vivre comme eux. Un amour sans contrainte. Sans concession. Le sourire aux lèvres.
  • Mais, ce n’est pas écrit dans mon dossier tout ça ! Comment es-tu au courant sur un sujet aussi personnel ?
  • C’était écrit. Il fallait rendre ton personnage attachant. Il n’y a qu’une méthode radicale pour ça. Mélange de souffrance et de passifs heureux. Tu as vécu le bonheur dans les yeux de tes amis. Ce n’était pas le tien, mais tu t’en es contentée. Souffrance et bonheur, ça émeut. Maintenant que les gens t’aiment à travers ça, te faire mourir va les bouleverser. Provoquer des sentiments forts. Amertume. Désolation. Dépit. Écœurement. Ce que je suis censé ressentir le jour où tu quittes l’aventure. Tout ça pour que je réveille ma rage. La plus meurtrière des émotions. Elle va me consumer. Me vider de tout bon sentiment. Je n'aurais plus d’espoir. Plus d’estime. Que ce soit pour les autres, comme pour moi. Cette force animale va me permettre de détruire tout le cartel. J'imagine que c'est sur le meurtre du parrain Escrodebar que tout ceci doit finir. Mais, je ne comprends pas pourquoi il n'a pas écrit la suite. J’enrage.
  • J'ai peur que tu prennes tes soi-disant dons de voyance trop au sérieux. La folie t’emporte mon gars. Pourquoi le chef m’a-t-il collée avec toi ? Qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu pour être punie de la sorte ? Sérieux là.
  • Arrête. Tu n'es pas croyante. Ou du moins, tu ne l’es plus. Depuis l'incident avec tes parents. Tu en veux à sa « crétin-té » de n'avoir rien fait. De ne pas les avoir protégés de ces cambrioleurs. Tu travailles comme une forcenée pour payer leur clinique et espérer qu'il remarche un jour, normalement. Il t'a pourri la vie pour que tu sois LA victime de trop.
  • Comment sais-tu pour « crétin-té » ? J'utilise ce mot qu'avec mon amie …
  • Ana ? Et elle te manque énormément depuis que tu es venue emménager ici. Bien des larmes ont coulé quand tu l’as quittée sur le quai de gare samedi dernier. Elle est la seule qui te comprend. Qui te réconcilie avec la vie. Qui te redonne le sourire quand le moral n'est pas top. C’est-à-dire, tous les jours.
  • Hey ! Mais sérieux de chez sérieux, là ! T’es flippant comme gars. Tu es allé jusqu'à te renseigner sur mes amis ? C'est quoi le but ? Me faire peur ? Me donner envie de fuir ? Tu me testes ? Savoir si je tiens psychologiquement ? Si tout ça n'est qu’un jeu, il faut que tu arrêtes là. STOP. Je ne péterai pas un câble à cause de toi. Pas aujourd’hui.
  • Rassure-toi. Ce n'est pas ce que je cherche. Je te dis juste la vérité. Difficile à croire. À comprendre. À réaliser. Mais, vu que tu n’as toujours pas compris, je te résume dans quelle situation nous sommes.
  • Ce n’est pas trop tôt. Alors, c’est cette mission qui te rend si bizarre ?
  • Hey cocotte…
  • Cocotte ? Cocotte ? Et toi qui râles quand je t’appelle mec !
  • C’est bon, tu as fini ?
  • Non mais attends, c’est toi qui abuses.
  • Es-tu enfin prête pour tout savoir ?
  • Vas-y, vas-y. Je me calme. Pfff.
  • Ce que je vais te dire te dire va te paraître impensable. Inimaginable. Impossible. Mais je te prouverai que c’est vrai.
  • Nous allons nous attaquer à la maffia, c'est bien ça ? Tu parlais du parrain tout à l’heure.
  • Tu me laisses raconter ?
  • Oui, oui…. Bien sûr
  • Oublie tout. Tout ce qui vient d'être dit. Tout ce que tu as vécu. Ferme les yeux. … Joue le jeu s'il te plaît.
  • Oki, dac M’sieur.
  • Rouvre-les. Essaie de me décrire maintenant.
  • Hum ?
  • Essaie de dire comment je suis physiquement.
  • C’est tordu ta demande. T’es en face de moi. C'est facile.
  • Alors, fais-le.
  • Ok ! Ok ! Bien. Je m’exécute. Et bien tu es … chiant, pénible, casses..
  • … PHYSIQUEMENT !
  • … T'excite pas… C'est bon. Et bien, tu es …
  • Alors ?
  • J'y arrive ! Patiente.
  • Tu devais pouvoir sortir ça direct, n'est-ce pas ? Mais tu n'y parviens pas. Ça ne te semble pas bizarre ?
  • Mais … heu, c'est vrai. Ce n’est pas normal. Pourtant je te vois... enfin, je crois...
  • Et qu’est-ce que tu sais me dire sur le commissariat ?
  • Bah, c’est facile. Tout est au plus clair. De la machine à café, aux divers bureaux, jusqu’à la porte de l’accueil. Rien de particulier là-dedans.
  • Saurais-tu me dire combien y a-t-il de bureaux ? Exactement ?
  • Évidemment. C’est quoi cette question ? N’importe qui peut le faire. Je ne suis pas débile.
  • Fais-le !
  • Hey, t’es qui toi d’abord pour me donner des ordres ?
  • Ton supérieur. Vu que tu es affectée à mon service, dont je suis le seul à gérer les dossiers. Je suis donc, obligatoirement, ton supérieur.
  • Et tu crois vraiment que cela suffit à …
  • Compte !
  • Mais t’es chiant comme ça juste aujourd’hui, ou c’est juste pour l’occasion ?
  • Compte !
  • Ok, ok. Il bug le mec. Ça craint. Eh bien, tu en as... Y a celui de George, de Michel et Mika. Et puis, il y a le tien, celui du chef. Le mien doit certainement traîner par là.
  • Donc ?
  • Bah six. Facile. Lâche-moi.
  • Recompte.
  • Un, deux.... moi, toi..., six. Je n’en vois pas d’autres.
  • Tu ne fais qu’énumérer des noms, et non compter ce que tu es censée voir.
  • Mais qu’est-ce que tu racontes ? Je les vois là, de mes yeux.
  • Es-tu certaine ?
  • Mais bien sûr que oui. Tu n’es pas bien toi.
  • Alors pourquoi y en a-t-il que cinq ?
  • Cinq ? Mais c’est toi qui ne sais pas compter. Regarde ?
  • Tu viens d’arriver dans l’histoire. Ta vision est faussée. Ton bureau n’est pas encore arrivé. Il n’a été commandé que la semaine dernière et il faut deux bonnes semaines pour le recevoir.
  • Attends ? What ? Ça veut dire que je vais bosser debout toute la semaine ?
  • Sûrement. Bon, combien en vois-tu maintenant ?
  • Je te le dis depuis tout à l’heure !
  • Combien ?
  • CINQ …. ! .. Cinq ? Comment est-ce possible ?
  • Je vais aller plus loin pour que tu comprennes. Tu vois le verre sur mon bureau ?
  • Oui, parfaitement.
  • Dans environ 2 minutes, Georges va le faire tomber. C’est en se levant pour prendre son rapport qu’il va se prendre le coin gauche de mon bureau, près de l’imprimante. Le choc va bousculer le verre. Il se brisera en une dizaine de débris. L’un d’eux arrivera jusqu’à tes pieds. Tu es prête à observer cette action ?
  • Oui, mais, on pourrait croire que tu as positionné exprès le verre au bord pour qu’il tombe. Il devient facile de deviner qu’il puisse tomber. En plus, vu la proximité du siège de George avec ton bureau, c’est même inévitable.
  • Je comprends tes arguments. Prenons un cas plus improbable. Laisse-moi me concentrer juste un instant.

Jack ferma les yeux quelques secondes. Ces yeux semblaient bouger de gauche à droite machinalement.

  • Ça y est. J’ai ce qu’il faut. Regarde le cou du chef. Malgré les vitres teintées de son bureau clos, on pourra voir dans vingt secondes qu’il va claquer violemment sa nuque. Il sortira en hurlant, demandant à Brigitte de l’accueil si elle n’a pas sa crème magique contre les piqûres d’abeilles. Une fois qu’il ira mieux, il te convoquera, pour parler de ton passif. C’est bon ça ?
  • Heu, oui…. C’est déjà plus dur à prédire.
  • Dix, neuf….
  • Le décompte, là, t’es obligé ?
  • …deux, un, regarde !

Un claquement bruyant se fit entendre, suivi d’un hurlement. Le chef de police sorti en trombe rejoindre la dame de l’accueil.

  • Brigitte ? Brigitte ? Vous avez encore votre crème miracle ?
  • Alors, fit Jack ?
  • C’est bluffant. C’est vrai. À la seconde prêt. Par contre, fit-elle sur un ton taquin, il n’a pas dit que la crème était … magique.
  • Attends encore un peu avant de dire ça.
  • Comment ?
  • Écoute.

Le chef se badigeonna de partout. Son cou était devenu si blanc, que ça dépareiller avec le teint mat de sa peau. Il poussa un long soulagement.

  • Cette crème est tout bonnement ma…gique.
  • Et maintenant ?

Hélène fut surprise. Tout y était. Chaque description. Minuté comme il l'avait dit.

  • Dix, neuf ….
  • Quoi encore ? C'est fini non ?
  • Trois, deux….
  • C’est fini avec votre plaidoirie, monsieur, fit George. Vous pouvez y aller. J’ai imprimé mon rapport.

Un bruit de verre cassé se fit entendre. Des dizaines de morceaux furent éparpillés.

  • Oh merde. Désolé Jack. T’inquiète, je nettoie.
  • J’avais oublié ça, fit Hélène.
  • … quinze, quatorze …
  • Hey, le détraqué de la montre, il t’arrive quoi encore ?
  • Deux, un …
  • Ah Hélène ! Venez me voir dans mon bureau, s’il vous plaît, fit le chef.
  • C’est un sketch, c’est ça ? Et vous êtes tous complices.
  • Hélène.
  • Oui ?
  • Fais attention où tu marches.

Un bris de verre était juste à ses pieds exactement comme il l'avait énoncé. Tous s'étaient produits comme il l'avait dit. Tout. Hélène alla rejoindre le chef, et, sans surprise, le sujet de John fut abordé. Elle était choquée. Pas par le sujet, mais par les prédictions de Jack. Était-il vraiment un voyant ? C'était cela, son talent ? La raison pour qu’il le garde ? Son caractère est si exécrable. Froid. Distant. Tout ceci serait supportable s’il pouvait vraiment prédire l’avenir. Mais, elle se souvint soudainement qu’il ne ferait rien pour secourir Michel et Mika. Que non seulement il ne bougerait pas le bout des doigts, mais qu’il n’avertirait même pas le chef.

  • Patron ?
  • Oui, Hélène ? Vous avez enfin envie de parler de votre expérience traumatisante ? Vous étiez plutôt dans la lune jusqu’ici.
  • Je m’en fous de ça, ce n’est pas le sujet.
  • Pardon ?
  • Heu, ce que je voulais dire, c’est que je souhaite parler d’autre chose, si... vous le permettez.
  • Oui, bien sûr. Allez-y.
  • Est-ce que Jack vous a parlé de l’incident qui se produira à propos de la protection du témoin que vient d’interroger George ?
  • Comment ça ? Je n’ai pas eu de requête de protection de témoin.

Le chef tapota son clavier de téléphone.

  • George ? Est-ce qu’il y a une demande de faîte sur la protection du témoin sur l’affaire du cartel St Vincent de Luce ? …. Hum hum. Comment je l’ai deviné ? (Fit-il en regardant bizarrement Hélène.) Je suis le chef, je devine tout. Apporte-moi ça dès que tu as fini.

Il raccrocha le combiné. Il croisa les mains devant son visage, les coudes posés sur le bureau. Un air sérieux.

  • Vous espionnez déjà vos collègues de travail, mademoiselle ?
  • Heu, non, non … pas du tout. Pourquoi me dites-vous ça ?
  • George vient de me stipuler qu’il n’avait pas encore fait la demande. Il allait s’y mettre dans la foulée. Comment avez su qu’il le ferait si vous ne l’espionniez pas ? Le cartel sera votre mission, Jack a dû vous l’expliquer. Mais ne grillait pas les étapes, ou c’est la mort assurée.
  • La mort ? (Fit-elle d'effroi) Pourquoi vous avez tous ce mot à la bouche ? Pourquoi voulez-vous tous que je meure ?
  • Ah non, jeune fille. Déjà d’un, je ne souhaite la mort de personne dans mon équipe. Plus je peux la préserver de ça, et mieux je me porte. C’est comme une famille ici. On se connaît tous. Regarder Mika, il vient d’être papa. Comment voulez-vous que j’espère qu’il meurt ? Et de deux, pourquoi paniquez-vous ? Maîtriser vos émotions. Ce job n’est pas fait pour les émotifs. Et de trois, qui donc souhaite vous voir morte ?
  • C’est Jack ! Il n'arrête pas de me dire que dans trois jours j’y passe. Que Mika et Michel seront mal barrés demain pour la protection du témoin ! L’un d’eux va en perdre l’usage de ces jambes ! Il avait prédit votre piqûre. Le verre cassé. Et puis cette femme laide à qui je dois ma mort. Je ne me souviens même plus de son nom. Elle est blonde. Nez crochu. Voix nasillarde …
  • Joséphine … ?
  • Oui… c’est ça.
  • Comment Jack peut-il la connaître ? Au moment où cette foutue guêpe m’a piqué dans le …
  • … Abeille.
  • Hum ? Si vous le dites. J’étais en ligne avec cette femme. Je l’ai rencontrée hier. Son physique est très… particulier. Et puis cette manie de pincer à tout va. Elle est la compagne d’un membre important du cartel. Je lui ai demandé de venir témoigner dans trois jours. Qu’en échange de ces informations, elle pourrait bosser avec vous ! Mais comment Jack est-il au courant pour ça ? Je comptais en parler lors du debrief de cet après-midi. Bref, c’est un être bien mystérieux, mais tellement utile.
  • Utile ? Grâce à ces dons de voyance ?
  • Quel don ? Non, il est très fort pour décrire les scènes de crime. Il arrive à deviner à la perfection ce qui a pu se produire. Il ne se trompe jamais. Quand nous réussissons à rassembler toutes les preuves, rien ne met en branle son expertise. Il est un de nos meilleurs éléments.
  • C’est justement grâce à ces dons de voyance qu’il sait tout ça. Il voit tout ce qui va se produire. Le jour où elles se sont réalisées, il n’a plus qu’à ressortir toute la scène.
  • Vous vous rendez compte que c’est grave, ce que vous dites. Vous l’accusez de préméditer ces crimes pour le compte de sa crédibilité ? Je sais que nous avons eu aussi notre lot de doute. Mais je vous assure, Hélène, que votre partenaire est clean. Je m’engage là-dessus.
  • Mais, ça veut dire que … vous n’allez rien faire pour la menace qui plane sur Mika et Michel ? L’un d’eux risque d’être handicapé à vie ! Ce n’est pas rien.
  • Si c’est cela qui vous inquiète, je leur dirais de faire attention. Plus que d’habitude.
  • Je …
  • Maintenant, je vous demanderais de me laisser. J’ai … piouu, une tonne de paperasse à faire avant le briefing. À cet après-midi.

Hélène sortit dépitée du bureau du chef. Était-elle la seule à savoir pour Jack ? Sûrement. Lui-même avait avoué n’avoir parlé de tout cela à personne. Mais quoi en penser ? Charlatan ? Manipulateur ? Ou avait-il un réel pouvoir quelconque ? Celui de lire dans l’avenir. Jack vint vers elle, amusé.

  • Je sais lire. Tu as raison.

Encore une de ces réflexions qu’il aimait énigmatique. De quoi parlait-il encore? Savait-il lire dans les pensées en plus de reste ? Forçant la chose, elle se mit à compter. Pour le tester.

  • Tu vas te faire un noeud au cerveau quand tu arriveras à cent, fit Jack, sourire large au visage.
  • Mais comment tu fais ? Tu devines ou c’est un réel pouvoir que tu possèdes ?
  • Eh bien, justement, maintenant que j’ai ton attention, voilà ce que je suppose être.
  • C’est-à-dire …
  • Comme je te l'ai déjà dit, tu ne me croiras pas. Viens par ici, que personne ne nous entende.

Ils se mirent dans un recoin un peu isolé du commissariat.

  • Voilà. Toi, moi, eux, tout ça n’est que pure fiction. Tu n’existes que par les caprices de son auteur. Tes malheurs, tes aventures, tes rencontres, tout ça est orchestré. Ton passif, le leur, le mien sont écrits depuis bien longtemps. Et, ici, je suis le seul à pouvoir m’en apercevoir.

Hélène le regarda longuement, d’un silence qui semblait sans fin. Les yeux plissés, comme pour déceler un quelconque mensonge. Puis, grand ouvert, comme si elle réalisait le niveau de folie que son partenaire avait atteint. Mais où était-elle ? Un asile ?

  • La chemise blanche tirait à ravir aussi.
  • Ahhh, Jack. Arrête ! Je ne COMPRENDS RIEN à ce que tu racontes. T’es UN FOU ou quoi ?
  • Hélène ! Toi, tout comme moi, nous faisons partie d’un livre. Nous vivons à travers l’imagination d’un lecteur. Toutes les lignes qui défilent sous ces yeux font partie de notre présent. Tu ne vis ces moments que grâce à lui. Et je ne sais pas quel miracle, je connais la suite.
  • Quoi ? Je ne suis pas … vivante ? JE SUIS qu’une pensée ? Mais tu délires, mon pauvre vieux. Je ne sais pas à quoi tu te drogues, mais ça te fait trop d’effet.
  • Dur à assimiler. Je comprends.
  • Non mais tu te rencontres de ce que tu dis ? Qui pourrait croire ça ? Pourquoi es-tu le seul à t'en rendre compte ? Comme si c’était toi le …
  • … Lecteur ? Mais … tu es un véritable génie. Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ? Ça expliquerait pourquoi je connais toute l’histoire et pas vous.
  • Mais c’est de pis en pis. Ton état s’aggrave.
  • Mais c’est la seule explication....
  • Bien foireuse oui. Je n’y crois pas d’avance à ce que je vais dire, mais, si je rentre dans ton petit jeu, tu ne peux pas être le lecteur.
  • Et pourquoi ça ? Tu m’intrigues.
  • Ah bah, pour une fois, c’est moi qui tiens ce rôle. Si tout ce que tu dis est juste, il y a un problème. Et de taille. Comment expliques-tu que tu arrives à voir le futur ? Un lecteur ne voit que l’histoire qui se déroule sous ces yeux. Il crée son cadre autour de cela. Il laisse jouer les mots qu’il lit pour s’entourer des éléments qui vont le plonger dans l’univers du livre. Donc, tu ne peux pas être le lecteur. Annibal, c’est bien possible par contre.
  • Ahh, je n’ai pas le temps pour tes trêves d’humours. Si je ne suis pas le lecteur, qui suis-je ? Bordel.
  • À part être un dingue, dans un livre, le seul qui connaît toute l’histoire et qui la fait vivre par sa lecture est …
  • … non ? … Mais oui... ! Tu as raison ! C’est le seul choix possible. Je suis l’auteur. C’est moi qui ai écrit tout ça. Qui fait le narrateur et joue ce personnage fictif. Voilà pourquoi je sais tout. Voilà pourquoi je ne suis surpris de rien. Mais, si je suis l’auteur, comment me suis-je retrouvé ici ?
  • Ah, ah, ah. Je te vois mal en écrivain. La pipe à la main. Chauve. Le chat sur les genoux. Une barbe de 6 semaines. Bière à côté du clavier.
  • Roh, le cliché. D’ailleurs, pourquoi j’ai l’impression qu’un certain Stéphane m’en doit une ? Une bonne mousseuse…
  • .. ! Snake... !
  • C’est toi, Hélène, qui prononce ce nom ?
  • Bah non, tu vois que je n’ai pas ouvert la bouche. Et puis quel nom ? Je n’ai rien entendu !
  • .. ! Snake... !

Jack regarda tout autour de lui. D’où pouvait venir cette voix ? Pourquoi était-il le seul à l’entendre ?

  • Rahhh, je sais que mon regard se pose tout autour de moi ! Lâchez-moi ! Mettez-moi des descriptifs qui me donnent des informations, plutôt que de mettre des commentaires inutiles.

Tu voudrais savoir qui te parle, plutôt, mon cher Snake !

  • Quoi ? Snake ? C’est mon nom ?
  • .. Oula... Oula. Rien ne va plus. La caboche fume. Chef ? Le Jack est foutu ! Il se donne un autre prénom maintenant. J’ai plus de mots pour définir ce mec.
  • Attends ! Je m’appelle Snake ?
  • C’est bien gars... va te coucher ! Tu as fortement besoin de repos.
  • .. ! Snake... ! Viens... !
  • Mais où ? Où dois-je aller ?
  • À l’hospice …. Et vite Jack. Il ne faut plus perdre une seconde là.
  • .. Snake...Croqueur.... Sors de là. Viens... Ton vrai monde t’attend.

Une main tendue apparue au-dessus de lui, à quelques mètres seulement. Venu de nulle part. Sortant d’un étrange nuage d’un blanc si immaculé, qu’il aveuglait, quiconque le regardant.

  • Qu’est-ce que c’est que ça, fit Hélène ?
  • Je ne suis donc pas fou.
  • Viens Snake, dépêche-toi. Rejoins-moi. Prends ma main. Rejoins la réalité. Avant qu’il ne soit trop tard.

Jack prit instinctivement la main tendue. Il fut tiré vers le plafond.

  • Attends ! Et Hélène ?
  • Elle ne peut pas venir avec nous, c’est un personnage fictif. Elle n’existe pas ici.
  • Mais toi, qui es-tu ?
  • Mon nom ? Je vais t’aider à le deviner. Tu as enfermé mon âme dans un miroir. Tu m’as donné des ailes et une histoire… Je suis…
  • Aélys ?

 

 

 

             

 

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